[Réservé] La maquerelle

Aucune partie de Dejarik ne pouvait être gagnée sans pions. Quand les pions commençaient à bouger tout seul, le résultat se devait d'être catastrophique. Après sa prise de pouvoir sur le gang de Ragda, la Chiss avait rapidement fait l'inventaire de tout ce qu'elle avait obtenu, de tout ce qui allait et, également, de ce qui n'allait pas. Entrainée à la stratégie militaire, Kata'Haanna avait du mal à comprendre comment le Hutt pouvait être aussi laxiste vis à vis d'organisations sous sa "protection". Elle, au contraire, entendait bien faire savoir qu'elle commandait et qu'il valait mieux éviter de la contrarier. Entourée de quelques hommes, majoritairement humains, à quelques Trandoshans près, la nouvelle chef de gang se dirigeait vers la planque d'un esclavagiste proxénète qui gérait le réseau de l'organisation dont elle venait d'hériter.
A son avis, il se payait la tête de Ragda.
Mais il ne se moquerait pas impunément d'elle.

Elle avait laissé son garde Magna en compagnie du Chagrien, le laissant gérer les petites affaires pendant qu'elle allait personnellement se charger de cette nuisance. Le type, un certain monsieur Dir'Zeton, "perdait" régulièrement quelques filles. Un bon moyen de piquer dans les caisses, sans déborder sur le pourcentage - exorbitant - demandé pour chaque vente de fille ou chaque passe de prostituée. Arrivant sur les lieux, la Chiss remarqua d'emblée les filles à peine vêtues qui arpentait les trottoirs métalliques. Humaines, Twi'Leks, Rodiennes... il y en avait pour tous les gouts. N'y prêtant pas vraiment attention, Kata'Haanna s'arrêta devant la porte du bâtiment. D'un signe de tête, elle intima à un de ses hommes d'aller frapper à la porte. Après avoir tambouriné bien comme il faut, le type s'était mis à beugler :

"Dir'Zeton ! Ouvre ! La patronne veut t'parler !"

Alwena avait décidé de quitter la planque quelques heures auparavant, après avoir entendu les hommes de main de Kata’Haana parler ensemble. Elle n’en avait touché aucun mot à son père, de crainte que celui-ci ne prenne fuite. Lâche comme il était, il serait sûrement déjà à bord d’un vaisseau en direction de Tatooine pour y poursuivre son trafic répugnant. Mais la jeune femme se devait de le coincer entre les mailles du filet de la « patronne ». Oui, elle avait la ferme intention d’intégrer son groupe de mercenaires, quelles qu’en soient les conséquences pour son ascendance.
Vêtue d’un habit sombre et munie d’un simple blaster DL-21, elle arpentait les ruelles mal famées de Nar Shaddaa, à la recherche d’un des membres du gang de la Chiss. Elle n’avait aucune idée de ce qu’ils trafiquaient, et encore moins de quoi ils étaient capables. Si elle ne parvenait pas à les trouver, elle avait jugé bon de se rendre chez Ragda. Seulement elle n’en avait nullement l’envie… bosser pour une autre brute graisseuse même pas fichue de se traîner elle-même, non merci.
Alwena repartit en direction de la planque, histoire de prendre les dernières affaires qu’elle avait laissé là-bas. A son arrivée, Kata’Haana était déjà sur place. Une vraie aubaine pour l’humaine trentenaire qui plongea sur le côté, afin de se cacher derrière un des petits compartiments réservés aux prostituées. Pendant que le groupe était occupé à tambouriner sur la piteuse porte, la fille du proxénète en profita pour longer l’arrière de la bâtisse et attraper par les lekkus une des femelles Twi’Lek.

« Toi tu restes avec moi. »

Le cinquantenaire ouvrit à l’inconnu, un fusil blaster pointé vers sa tête.

« Retire tes pattes ou je t’explose la cervelle. Qu’est-ce que tu me veux, la sombre ? grogna-t-il en direction de la dame Nuruodo. Dégage de là, t’as rien à faire ici. C’est moi qui commande. Tu fais un pas de plus et ma garde se jette sur ta petite tripotée d’hommes de main. Réfléchie avant de faire une bêtise, sale chienne. »

Il siffla, et trois trandoshans sortirent des compartiments, suivis de plusieurs courtisanes qui les coltinaient. Armés de vibrolame, ils ricanaient doucement en s’approchant.
La Twi’Lek à la peau rouge qui était restée près d’Alwena se débattait.

« Je te préviens, p’tite peste, laisse-moi ou je hurle. Ton père n’aura aucune pitié à te tuer, il tient trop à son commerce. Il m’a promis de faire de moi la plus belle et la plus riche des criminelles. »

Celle-ci dégaina un blaster, roula au sol pour s’extirper de la cachette, et fonça droit sur la Chiss. D’un geste vif, l’humaine se leva et tira une salve en direction de la prostituée qui s’effondra aux pieds de la cheftaine. Le combat était visiblement engagé.

Une erreur de calcul... une simple erreur de calcul, qui avait toutes les chances d'être fatale. Ce Dir'Zeton était à la fois assez intelligents pour que le pognon amassé au nez et à la barbe de Ragda soit intelligemment dépensé, dans quelques gardes du corps par exemple. La Chiss disposait de plus d'hommes de mains que le proxénète, mais l'ajout des courtisanes était un très léger imprévu, qui les plaçait dans une situation délicate. Cependant, la seule personne présente à avoir fait une erreur de calcul était le maquereau, cadavre en sursis. La mort de Ragda le libérait peut être de ses engagements, mais provoquer une femme qui avait trucidé un hutt et pris possession de son gang était, en vérité, une grave erreur de calcul. Posant la main sur son E-11, Kata'Haanna s'apprêtait à intimider le vieux Dir'Zeton, pour éviter de perdre des hommes...

Mais le sort en décida autrement.
Alwena, ouvrant le feu sur une prostituée, déclencha les hostilités. Laissant à ses hommes le soin de se défendre, la jeune femme réagit au quart de tour. Le seul moyen de perdre un minimum d'hommes - autant ceux qu'elle avait amené que ceux qui entrerait à son service une fois cette branche de l'organisation pacifiée - il suffisait de supprimer le leader adverse. Réagissant au quart de tour, la Chiss se propulsa vers la porte... le temps du déplacement aurait normalement du être trop long pour empêcher Dir'Zeton père de tirer. Normalement. Les bottes sombres, finement ciselées, de Kata'Haanna, émirent un crépitement, avant que les rétrofusées ne s'activent, augmentant rapidement la vélocité de la criminelle. Avant qu'il n'ai pu faire quoi que ce soit, le pauvre homme se retrouva le sternum défoncé par l'épaule féminine. Tendant le bras, elle rattrapa sa manche avant qu'il ne s'effondre, pour l'attirer à lui.

Les courts d'arts martiaux de sa jeunesse furent finalement payants et, en quelques mouvements, le pauvre homme, déjà sonné par l'impact, fut rapidement maitrisé. Un craquement sinistre retentit, tandis que la Chiss faisait craquer ses cervicales. Le tenant toujours par la tête, se servant de son corps comme d'un bouclier, Kata'Haanna héla la populace qui avait déjà commencé à se battre :

"Tout le monde s'arrête ! Votre boss est mort !"

[ Tu m'excuses pour le retard ? =/ ]

Alwena, qui avait déclenché les hostilités, se retrouva au cœur d’un règlement de compte. Le père de celle-ci tira une salve vers un des hommes de main de Kata‘Haanna, tandis que les nombreuses prostituées s’affairaient autour de tous, arme en mains. Le regard bleuté de la Dir’Zeton sillonna les environs, une boule au ventre se faisant sentir. Elle avait peur… Sensation qu’elle n’avait connue que très peu. Pour la première fois depuis son arrivée sur Nar Shadaa, elle avait véritablement peur. Peur pour sa vie, mais également pour celle de son père. Répugnant ! Sous le coup de la colère, elle empoigna une des femelles et lui colla une bonne droite, écrasant son visage contre la taule rouillée. Un tir de blaster entre les deux yeux, et c’en était fini. Le combat était lancé, alors autant continuer.
Des ruelles voisines, on percevait nettement les bruits assourdissants des lasers et des hurlements de douleur. Les quelques criminels présents vinrent sur les lieux, sans pourtant prendre part à la bagarre. D’ailleurs, mieux valait pour eux de rester à l’écart… Le vieillard proxénète venait d’être assassiné en plein jour.

« Tout l’monde s’arrête, votre boss est mort. » hurla la cheftaine Chiss d’une voix autoritaire.

Les trandoshans se regardèrent quelques instants, puis l’un d’eux regroupa les femelles.

« Vous croyez que vous allez vous en tirer comme ça ? Dir’Zeton est p’têtre mort, mais on est encore là, susurra-t-il, et on compte bien vous l’faire payer ! Surtout toi, p’tite peste. Tu nous as trahi. Et t’as trahi par la même occasion ton cher père. »

Sans chercher à comprendre la subtilité de cette soudaine rébellion, Alwena ramassa un des fusils sur le sol et visa la créature.

« Casse-toi. »

Mais personne ne sembla bouger. Kata’Haanna se trouvait à l’entrée de la planque, la tête du vieux entre les mains. Elle lui avait brisé les cervicales. Une mort radicale et non sans douleurs. Après tout, peu importait, sa fille était de nouveau libre.

« J’le répèterais pas, lézard de mes deux. »

Ses cheveux de jais tombaient négligemment sur ses épaules frêles. Son allure fragile était trompeuse. Elle se tourna vers les hommes de main de la nouvelle patronne en souriant, l’air impatient. Cependant, elle se fit surprendre et un des trois gardes du proxénète plongea sur celle-ci. Il recula, passant son bras autour de son cou, et plaça le canon de son arme sur la tempe de la jeune criminelle.